Salle de sport

Salle de sport

Lundi matin, sous-sol élégant d’une salle de sport discrète. Mur en brique, poutres sous plafond, peinture claire et carrelage. Des tapis jonchent le sol. Bleu marine, épais. Un tapis rouge plus fin au centre de chacun.

Des femmes s’apprêtent, ajustent leur jogging, leur gilet. C’est l’hiver et la salle est encore fraîche. Cela ne durera pas. La température des corps va vite monter et chacune contribuera à réchauffer l’atmosphère.

Sept et une animatrice. Elles s’échauffent. Petit à petit, doucement mais fermement, les mouvements se corsent. Une veste est jetée au sol. Pause au goulot d’une bouteille d’eau avant de reprendre sans tarder, les enchaînements n’attendent pas.

Ça, c’est pour la taille de guêpe leur dit l’entraîneuse. Mouvements de torsion. Étirement de travers. Et le regard de princesse, lance-t-elle à la salle afin que les participantes regardent loin, menton légèrement relevé, nuque droite. Faut-il travailler le sérieux de son regard princesse pour parfaire l’exercice ?

Chaud. Il fait dorénavant chaud. Les joues rosissent, cependant que l’on quitte la veste, les chaussettes parfois. Le cours se déroule. Mouvements au sol, mouvements en position allongée, à genoux, debout moins souvent. Cris de peine, d’autres d’approbation. Toutes ne sont pas au même rythme. Toutes ne peuvent atteindre les mêmes sommets.

Il s’agit de réduire les ailes de chauve souris. Mais aussi de raffermir le buste. De muscler la sangle abdominale et les abdo-fessiers. Mais aussi le périnée, c’est important. Vous verrez quand vous serez enrhumée, le périnée, faut qu’ça tienne !

Quelques pompes à genoux, pour le dos, les bras, les abdos. Des étirements aussi pour tout le corps. On se grandit, on se grandit, on se grandit !

En fin de séance, l’animatrice propose de joindre les mains et de s’applaudir. C’est terminé pour aujourd’hui, la suite sera fonction de l’agenda de chacune. D’aucunes sont très présentes — chaque jour de la semaine pour certaines — d’autres papillonnent au gré de leur envie ou de leur temps disponible. Certaines sont à la gym parce qu’il faut bien, sans grande conviction.

Escalier à larges marches de bois exotique. Elles montent à la file indienne dans les vestiaires et chacune rejoint son tas de vêtements. Légère odeur de sueur désodorisée. Parfum fleuri sous les aisselles. Vent de chaussette fatiguée et semelle intérieure plastifiée.

Tu reviens quand ? Pas cette semaine, je ne peux pas. Tu as trouvé un travail ? Non, tu sais, c’est compliqué. J’étais avocate, je travaillais comme une dingue, 50 à 60 heures semaines pour être payée moins que le smic horaire… La femme de ménage gagnait plus que moi ! Et puis, les enfants, le temps qui file. J’ai tout quitté et je cherche autre chose. Mais les salaires… Oui, je sais bien. Quand je suis arrivée de Paris, je n’en croyais pas mes yeux. Les salaires ici, quelle calamité ! Alors, j’ai complètement arrêté de travailler, même pas la peine de chercher un poste équivalent à celui de chargée de clientèle d’entreprises que je tenais à Paris. Au début, je trouvais ça difficile. Maintenant, je suis heureuse, oui vraiment heureuse comme ça ! Je profite, je fais du sport, je vois mes amies et on fait des tas de choses ensemble. Et puis… je m’occupe des enfants.

Elles sont deux à parler. Deux parmi sept inondent le vestiaire des vicissitudes de leurs vies et de leurs errances. Les autres se rhabillent sans autre choix que d’entendre ce qui se dit. L’une consulte son téléphone mobile, sourire aux lèvres. Une troisième intervient dans la conversation. Moi aussi ça a été difficile de retrouver un travail. Je ne voulais surtout pas m’arrêter ni réduire mon niveau de vie. En tout cas pas être à la maison à temps plein. J’ai cherché et j’ai fini par trouver. Je ne regrette rien. Au revoir Mesdames, lance une autre qui s’échappe. Tu sais quand j’étais avocate, je travaillais pour un cabinet. Quand on est chargé d’affaires, on peut développer sa propre clientèle en parallèle, sauf qu’ils te donnent tellement de dossiers, que tu n’as jamais le temps de rien. Alors, le salaire… À demain, dit celle qui enfile son bonnet et son gilet fluorescent avant de quitter la pièce.

Le vestiaire désemplit tandis que le trio discute à belle allure. Qui ses problèmes de travail. De garde d’enfants. Qui s’échappe à la gym grâce à sa mère qui vit tout près et s’occupe des petits. Qui s’est dévouée à ses enfants plutôt qu’à la recherche d’un nouvel emploi. Qui ceci, qui cela.

Avant la fermeture pour la pause méridienne, elles quittent le local en se promettant de partager un repas prochainement. Sinon, on ne se verra qu’à la gym !

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