La diversité contre l’égalité

La diversité contre l’égalité

Walter Benn Michaels est un universitaire américain. Son essai La Diversité contre l’égalité se termine par une phrase sans ambiguïté :

 » Plutôt que de consacrer notre énergie à respecter l’illusion de la différence culturelle, nous ferions mieux de travailler à réduire la réalité de la différence économique. C’est là le cœur d’une véritable politique de gauche. « 

Le postulat de l’auteur est simple : la reconnaissance comme la lutte pour la diversité culturelle sont un épouvantail bien pratique qui permet de satisfaire à bas moyens certaines prétendues inégalités dans une société. Pour autant, quand les universités américaines font entrer quelques pauvres sous leurs bons auspices, quand des femmes militent chez Wal-Mart ou à Wall Street pour la revalorisation de leur salaire au niveau de celui des hommes, cela ne fait pas la lutte contre les inégalités économiques. Cela en donne juste une illusion permettant de satisfaire le peuple sans que rien ne bouge dans l’ordre établi et les relations de domination.

 » Non contents de prétendre que notre vrai problème est la différence culturelle, et pas la différence économique, nous nous sommes mis en outre à traiter la différence économique comme si elle était elle-même une différence culturelle. »

À force de militer pour le respect de tous les types d’appartenance et le respect des personnes qui ont choisi telle ou telle appartenance, la gauche ne cherche même plus à militer pour l’égalité des droits entre les citoyen-nes, ni pour leur émancipation. Or, il sera toujours plus difficile pour un-e citoyen-ne issu-e d’un milieu pauvre, d’accéder à l’université, de s’élever sans la société. Ces inégalités de base reproduisent des inégalités de classe sociale, des mots soustraits depuis fort longtemps des discours de la gauche américaine – comme de celle qui est au pouvoir en France. Aux questions des inégalités, les politiques répondent par des questions d’identité. Pas mieux pour détourner le regard, noyer le poisson et, bientôt, faire accroire que chacun est à sa place parce que sa culture le veut ainsi. Pauvres y compris, cela va de soi…

Sans doute la diversité culturelle semble-t-elle plus accessible, voire enviable, à celles et ceux qui ne voient pas d’intérêt à favoriser l’égalité entre les citoyen-nes – égalité économique s’entend. Michaels pose que le marché, lui, assume en lieu et place de l’État et prend l’exemple d’un supermarché américain de luxe inaccessible aux plus démunis, ou des voyages en première classe, pour distinguer que la discrimination par les prix est à l’œuvre et ne semble poser de problème à personne.

 » Mais le problème des pauvres n’est pas que les riches ne les considèrent pas comme leurs égaux. Le problème, c’est que, sous le rapport de l’argent, les riches ont raison de se croire supérieur aux pauvres. […] Car si l’on peut considérer comme plausible que les cultures sont différentes mais égales, il est impossible de transposer cette conception aux classes sociales.  »

 

Controverse autour du livre dans les pages du Monde diplomatique.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.