Avec amour et acharnement

Avec amour et acharnement

Oulala qu’est-ce que c’est compliqué la relation amoureuse quand on ne sait pas dire !

Pendant presque deux heures — parfois, c’est long presque deux heures ! — il ne se passe quasiment rien dans le film de Claire Denis inspiré d’un roman de Christine Angot co-scénariste. Le temps pour la cinéaste d’installer ses personnages dans leur quotidien, avec une sorte d’acharnement déjà, et tout devient lent, complexe, prétendument mystérieux, pour rien semble-t-il.

Mais surtout, rien n’est proposé qui aurait permis aux trois personnages principaux de s’épanouir, de vivre, de se révéler. Parce que des histoires d’amour à trois, on en a déjà vu il me semble et des plus réussies ! Gage de l’agacement, un séjour en prison qui rôde dans l’atmosphère, dont on ne saura presque rien et dont le mystère n’apporte rien, non plus, à l’histoire…

En bref

Les premières images nous embarquent en vacances au bord de la mer. Sarah et Jean s’aiment, c’est montré, appuyé, avec une succession d’images de baignades et d’étreintes partagées. C’est déjà beaucoup.

Retour à Paris où le couple continue de se sourire dans une économie de langage plutôt surprenante. Ils sont partis longtemps parce qu’il y a tellement de courrier glissé sous la porte… mais qui reçoit encore beaucoup de lettres aujourd’hui ?

Appartement coquet avec concierge donc, béton brut aux murs, c’est gris comme les toits de la ville et le ciel si souvent. Le balcon est presque une terrasse. La vue est dégagée vers le Sacré-Cœur, on est contente pour eux. Les fins de mois ne semblent pas difficiles ici. Sarah travaille à la radio, lit des livres pour des entretiens. On n’en saura pas beaucoup plus sinon de l’écouter en studio prononcer une phrase ou deux qui ne font en rien avancer l’histoire. Placement d’un bouquin sous l’œil de la caméra qui balaie le bureau pour nous dire la proche fin du monde avec, notamment, Aurélien Barrau.

Elle, elle questionne Jean à tout-va : où tu vas ? qu’est-ce que tu fais ? pourquoi tu t’habilles comme ça ? Ben oui parce que le compagnon est sorti de prison à un moment — on ne sait pas quand précisément, ni dans sa vie ni dans celle du couple. Alors elle, elle questionne. Lui, il ne dit pas grand-chose. Il fait les courses à Vitry parce que c’est moins cher aussi, en empruntant la carte bancaire de sa compagne. Il fait souvent les courses et charrie moult cabas : à eux deux, qu’est-ce qu’ils consomment ! Il rend visite à sa mère en charge de son petit-fils, le fils de Jean, du fait de l’incarcération. Père et fils en rapports fuyants puis proches d’un seul coup sans qu’on ait saisi les raisons du changement de cap.

La diagonale du vide

Des méfaits qui ont fait condamner Jean, on ne saura rien sinon que c’était avec François. Et même que Jean a endossé une responsabilité peut-être à la place de François…

Ah oui, François. François le Ténébreux. François le fier. On ne saura pas grand-chose non plus sinon que Sarah n’en peut plus dès qu’elle l’aperçoit. Elle se morfond, ben oui, de cet amour passé qui, visiblement, la tord de plaisir-douleur-attente-confusion… on ne sait pas trop.

Parce que François revient dans sa vie, d’abord depuis le parking de la radio dans laquelle travaille Sarah. Puis très vite parce que Jean, qui va peut-être créer une société mais n’en est pas très sûr finalement, va à nouveau travailler avec François à recruter de jeunes sportifs qui pourraient devenir pros du rugby comme Jean l’a été à un moment de sa vie… on ne sait pas trop quand d’ailleurs, mais il était jeune, c’est sûr !

Ce qui devait arriver arriva, voilà que Sarah couche avec François, un François pas très à l’écoute dans un lit, tout attentionné qu’il semble à se satisfaire du corps de l’autre. Et puis, c’est la confusion quand même. On se parle à moitié, on se ment carrément. Les dialogues sont plats et ennuyeux et j’admire que Juliette Binoche et Vincent Lindon s’en sortent aussi bien dans cet amoncellement de platitudes. Le film reste supportable par leur présence.

Et à part ça ?

Sinon, est-ce qu’on a dit qu’oser affronter son désir, sa liberté, l’amour qui nous traverse, exiger le respect de son corps dans l’intimité, aimer plusieurs personnes… ça pouvait faire un bon sujet de film, voire un sujet de bon film ? Il reste du boulot pour bousculer l’iconographie de l’amour-misère-tragédie-incompréhension. Avec acharnement !

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