Tribu

Tribu

Ce qui embarque d’emblée, dans cette histoire, c’est l’écriture singulière de Nathalie Yot. À la fois poétique et fictionnelle. Une écriture dépouillée. Sans joliesse ni fioritures mais débordante de trouvailles. D’associations culottées qui fonctionnent et interpellent.

« Elle n’a pas d’avis. Ça la repose de ne pas avoir d’avis, d’être neutre. Et la neutralité fait son effet habituel. Celui de laisser les gens en paix cinq minutes. »

Elvire est en relation amoureuse avec Yann. Il vit d’un travail ou d’un autre, s’accommode.

Elle est violoncelliste soliste et rejoint un orchestre de quarante personnes à Rouen, pour jouer en groupe cette fois, parmi les cordes. Juste avant son départ, Elvire confie à Yann son désir de manger de la chair humaine. Un désir un peu fou, pas très normal peut-être. Mais elle voulait le lui dire, partager cette envie avec lui. Elle est en confiance pour le lui dire.

Ils croisent Mina dans un bar. Mina est femme de ménage. Elle pourrait s’occuper de Yann pendant qu’Elvire travaille avec l’orchestre et la tournée. C’est difficile pour lui sans Elvire. Il pourrait mal tourner, qui sait.

« Elle regarde le dessus de ses mains. Elle lit sa vie sur le dessus de ses mains. Pas à l’intérieur comme les gitanes. Non, dessus. La vie c’est dessus. Et elle répète deux mots en boucle, comme un mantra. Mes mains. Mes mains. »

Elvire semble avoir du talent pour se rendre détestable et ses débuts avec l’orchestre sont calamiteux. Elle se met le chef à dos et une partie des musicien.nes.

Pendant ce temps, Mina pense s’être bien fait rouler par le couple et son souhait qu’elle veille sur Yann. Elle est sans nouvelle d’eux. Lui est devenu gardien d’un domaine du Bordelais : maison immense, peu de travail, il erre de pièce en pièce, en complet désœuvrement.

Mina le croise dans le bar où elle avait rencontré le couple. Il se joue d’elle, l’attire dans la maison bourgeoise et tente de la tuer. Mina ne se laisse pas démonter et rend les coups au point de blesser gravement Yann. Elle le rafistole comme elle peut et voit bien qu’elle ne sait pas faire Le ménage elle connaît. Mais ça, réparer le corps meurtri, ça ne se fait pas comme ça. L’homme dépérit de jour en jour.

La maison du Bordelais est remplie de victuailles, Mina mange à sa faim, tente de nourrir Yann afin de le maintenir en vie.

Pendant ce temps, Elvire essaie de s’acclimater au groupe, au chef, à Rouen. Tout cela lui demande beaucoup d’ajustements. Les autres la dérangent, l’envahissent parfois, la troublent. Comme si elle ne savait pas faire avec. Comme si elle ne disposait pas des codes sociaux pour interagir sereinement.

Sans nouvelles de Yann qui ne peut évidemment plus répondre au téléphone, elle prend un taxi et rejoint le domaine dans lequel il est supposé s’être installé. Elle découvre son amant au bord de la mort. Demande des explications à Mina qui lui en donne. Elle nettoie la plaie et la recoud. Cependant, Mina l’observe grignoter quelques bouts de peau de Yann. Elvire veille sur Yann qui reprend des forces et sort de cette vilaine affaire, avant de reprendre la direction de Rouen.

Ils partent tous les trois cette fois. Mina veillera sur Yann pendant qu’Elvire répétera avec l’orchestre. Scènes tendues avec le chef dans une sorte de rivalité de deux asociaux.

Et puis, dans cette folie ambiante, Yann veut absolument faire plaisir à Elvire en lui procurant de la chair humaine. Alors, il prend le temps de convaincre Mina afin de l’embarquer dans une quête qu’il ne peut accomplir seul.

Au fil des pages, ces trois-là — et les autres — tentent l’aventure de vivre ensemble. De se frotter les un.es aux autres. De faire tribu tout en dépassant les limites.

« En même temps, elle perçoit la beauté incomparable de cet amour, la dévotion dans ce geste à vouloir assouvir l’insensé, ça ne m’arrivera pas deux fois qu’on m’aime autant, pense-t-elle. Puis elle replonge dans l’idée délirante de Yann et commence à en douter. »

Tribu, de Nathalie Yot, est paru aux éditions la Contre-Allée. Le texte a été révisé en orthographe réformée et cela est parfois troublant.

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