Sur la route

Sur la route

C’est au moment où le soleil est sorti des nuages que l’idée lui a traversé l’esprit. Éclaircie en écho intérieur. Ciel en miroir. Elle maronnait depuis un moment, gambergeait dans sa tête et tentait de mettre de l’ordre dans son fourbi de mental encombré.

Oui, elle avait bien verrouillé la porte d’entrée avant de quitter la maison. Elle se revoyait faire le geste un peu brutal de tirer la porte vers elle en la claquant. Un mouvement sec sans lequel il était impossible d’enclencher la serrure. Elle avait fait ce geste, c’était maintenant certain. Elle avait même fermé les volets du séjour et la fenêtre derrière eux pour ne laisser aucune chance aux cambrioleurs dont on connaissait par ici la recrudescence en juillet.

Oui, elle avait noté les consignes pour les jours à venir et laissé le papier en évidence sur la table de la cuisine tant pour son compagnon que pour son fils. Sans quoi, elle les savait capables du pire, son fils en particulier, et courait le risque de retrouver son domaine plus bordélique que jamais, voire dévasté. Mort des légumes de saison en pleine éclosion par absence d’arrosage et de soins. Agonie de la propreté par négligence et laisser aller, renoncement à la position assise pour uriner. Décadence du rangement par flemme et inconséquence, remise à plus tard d’une nécessaire organisation. Réfrigérateur dévasté par gloutonnerie et vision à court terme, incapacité à remplir après avoir vidé.

Pourquoi, se demandait-elle encore, pourquoi fallait-il que les êtres humains du sexe masculin comptent toute la vie sur une femme pour leur indiquer quoi faire ou ne pas faire, comment se tenir et tenir leur intérieur, comment manger dans le respect de ce qu’un corps est capable d’ingérer aux différents stades d’une vie, quand arrêter de boire avant de virer trop vulgaire et violent. Pourquoi demeuraient-ils majoritairement incapables d’émancipation domestique ?

Oui, elle avait prévenu les voisins – Myriam et Albertine, le couple d’à côté ; Joseph et Maria, celui d’en face – qu’elle partait en laissant une maison vide pour quarante-huit heures avant le retour des hommes du foyer. Ils surveilleraient d’un œil, elle le savait, c’était le code de conduite du hameau dans lequel elle résidait depuis neuf ans, trois mois et quelques jours. Sa maison enfin restaurée après plus de cinq ans de cohabitation avec les travaux et la ruine de son couple. Le père de son fils parti épuisé – pas plus mal après tout, elle avait le sentiment d’avoir gagné au change avec celui qui prenait de plus en plus souvent sa place dans son lit.

Avec l’éclaircie, cette évidence : On n’est pas sur la bonne route… J’en suis certaine, on s’est trompées de chemin. Labarthe-de-Neste ça ne me disait trop rien, c’est à Labarthe-sur-Lèze que nous avons rendez-vous. On va avoir au moins une heure de retard… Mais quel connard ce GPS !

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