Sivens, repérage par les airs

Sivens, repérage par les airs

Cet article est paru chez Mediapart le  |  PAR HÉLÈNE DUFFAU

Balai d’hélicoptère ce matin dans le ciel de Gaillac. Pas bon signe pour la Zad et ses occupant.es, installés dans des conditions d’une grande précarité, affrontant le froid, la pluie, les attaques des pro-barrages miliciens, la malveillance de certains journalistes.

La rumeur de l’évacuation enfle. Il convient de rester à l’écoute, l’appel à mobilisation sur le terrain peut arriver très prochainement car les Zadistes vont avoir besoin d’aide pour résister à l’ordre de leur évacuation, aux effets qui s’ensuivront, aux moyens et à la violence que l’État est capable de mobiliser dès lors.

Aujourd’hui, la pluie est sans fin dans la vallée. On imagine volontiers que les gardes mobiles viendront à sec, mais rien n’est avéré.

Si l’État joue à nouveau les gros bras avec force police pour dégager les occupant.es, il donne raison aux agriculteurs, à leur violence et à leurs menaces. Les interviews sont nombreuses d’agriculteurs pro-barrage qui en appellent à crever du zadiste, ces porteurs de peste. Et là, l’État laisse dire…

Pour mémoire, ce ne sont pas zadistes qui ont dégradé le site mais l’entreprise qui a déforesté sauvagement. Ce ne sont pas les zadistes qui ont monté un projet véreux, mais le conseil général socialiste. Ce ne sont pas les zadistes qui sont violents, mais les pro-barrages miliciens, les forces de l’ordre obéissant au préfet et ses conseillers. Et quoi qu’on en dise, les occupant.es protègent le lieu tout en essayant d’y inventer une nouvelle façon de vivre sans pouvoir ni leader, dans un grand dénuement, avec le soutien de gens de proximité ou d’ailleurs.

Le collectif du Testet a fait la démonstration que des solutions pourvoyeuses d’eau existent, à moindre coût pour la collectivité, qui garantissent l’approvisionnement aux périodes les plus chaudes, ce qu’un barrage est loin d’assurer. Lire entre autres iciet . Curieusement, les agriculteurs interrogés n’évoquent jamais les questions de fond : nécessité du barrage, critique éventuelle des solutions alternatives. Ils s’acharnent à discréditer les Zadistes par des propos haineux dont « jihadistes verts » et « terroristes » sont parmi les plus fréquents. Ils ont recours aux slogans prompts à marquer les esprits plutôt qu’à ouvrir le débat sur la question primordiale : un barrage est-il une solution ? Combien sont concernés ? Quel est le coût pour la collectivité ?

Si l’État favorise la construction d’un barrage sur le lieu de la mort de Rémi Fraisse en suivant les préonisations de deux experts mandatés par le ministère de l’Écologie — qui s’en remet dorénavant au département, décisionnaire, c’est sans doute plus simple —, alors une nouvelle démonstration sera faite que les têtes pensantes de la soi-disant élite française, formatées au tout-béton, au tout nucléaire, au mirage de la croissance pourvoyeuse d’emplois, à la croyance en un modèle économique capialiste néolibéral en gage de panacée, sont inaptes à conduire le pays vers l’indispensable transition écologique.

Les politiques passent, les fonctionnaires et haut-fonctionnaires restent. Nombre d’entre eux pensent le monde en un modèle caduc. Les grandes écoles françaises sont connues pour leur conservatisme, leur corporatisme. Sophie Coignard et Romain Gubert évoquent cette élite et sa déliquescence dans L’Oligarchie des incapables. Les sociologues Pinçot-Charlot dans L’Argent, sans foi ni loi, entre autres.

Pendant que les agriculteurs font monter la pression, que les Zadistes affrontent les intempéries, que l’État renvoie la balle au département, une certitude, celle que Rémi Fraisse est mort et que personne, jusque-là, n’a nommé le responsable donneur d’ordre, ce qui est purement scandaleux.

 

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