Mon âme par toi guérie

Mon âme par toi guérie

Au cinéma comme en littérature — voire en musique — se trouvent des ovnis. Des objets rares et précieux. Des aventures qui touchent, profond, et vous accompagnent, une vie durant pour certains. C’est ce que je me souhaite après ce film : qu’il soit un compagnon de route auquel aller puiser, de temps à autres, un peu de force et l’énergie de continuer à poser sur le monde des yeux bienveillants.

Grégory Gadebois est un acteur impressionnant. Profil atypique, jeu d’une étonnante sincérité, l’homme mis en scène m’avait déjà fortement impressionnée dans Angèle et Tony d’Alix Delaporte. Dans Mon âme par toi guérie de François Dupeyron, il investit à nouveau un personnage peu disert, taillé dans le brut, en pleine errance existentielle, Frédi.

À l’ouverture, long travelling accompagné par Nina Hagen hurlant au micro que 1968 c’est fini. L’image suit Frédi qui longe la côte à moto, Fréjus, soleil descendant. Au bout de ce monde, il rejoint un village de mobil-home peuplés de résidants permanents parmi lesquels son père et un couple d’amis en mal de vivre et crise de la quarantaine, trois enfants.

Fredi a perdu sa mère cinq semaines plus tôt. Comme son père — un Jean-Pierre Darroussin qui excelle dans son rôle de veuf insomniaque un peu blasé et apathique — comme ses amis, il carbure à la bière comme d’autres boivent de l’eau. C’est ainsi. Père et fils se rencontrent. Il semble que la récente disparition qui a transformé leur trio en duo fasse enfin une place aux hommes qu’ils sont. Ils s’essaient à la discussion, se découvrent en quelques touches humaines qui pourraient sembler anodines, mettent au jour leurs liens.

Poussé par un accident de la vie, Frédi n’a d’autre choix que d’éprouver le don légué par sa mère, un don encombrant dont il ne savait que faire. Il devient guérisseur, impose ses mains et aide. Les patients le consultent à son domicile mobil-home. Il tente désespérément de sauver un enfant. L’argent arrive. Le niveau de vie peut changer. Mais Frédi demeure bancal, inassouvi, épileptique. Jusqu’à ce qu’à force de discussion, d’entraide, d’engueulades parfois, il comprenne ce qui manque à sa vie : cela s’appelle l’amour, entre une femme et un homme, et c’est à travers cette quête, il le pressent, qu’il trouvera sa complétude. Frédi croisera le chemin de Nina, magnifiquement interprétée par Céline Sallette et qui sait ce qui adviendra.

Avec des acteurs sincères, gueules cassées parfois, incarnés et bouleversants, tellement loin des profils lissés d’une certaine esthétique cinématographique, Mon âme par toi guérie embarque entre soin à l’autre et guérison de soi. Le film évoque l’interaction entre les êtres humains. Magnifie les petits riens d’une vie qui la rendent à nulle autre pareille. Pose les questionnements, tentatives et ratages qui jalonnent les parcours. Donne du sens au temps qui passe et qu’on n’a pas besoin de brusquer car ce qui doit arriver arrivera. Transcende la banalité, la marginalité.

Dès les premières images du film, à deux fauteuils du mien, une spectatrice s’écrie : « Oh, je l’ai vu ! Oui, je l’ai déjà vu ! » Éclats de rire de ses deux copines et d’elle, stupéfaite. Mon âme par toi guérie est un film qu’on peut donc voir, et revoir sans le savoir…

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