Feu

Feu

Laure vit avec Anton. Elle a deux filles, Véra et Anna, avec deux hommes. Elle est universitaire et semble flotter dans sa vie entre maigreur et routine. Pourtant, dans le catalogue de la réussite sociale, elle a coché les bonnes cases : famille, pavillon de banlieue, travail intellectuel, mari médecin…

Clément est responsable de la communication, notamment de crise, dans une banque. Bureau haut perché à la Défense, costumes de marque, il gagne beaucoup d’argent — beaucoup plus que beaucoup de gens — et vit avec son chien Papa dans une sorte de détestation de lui-même.

Ces deux-là se rencontrent à l’initiative de Laure qui envisage de faire intervenir Clément dans un prochain colloque. Et voilà qui déclenche leur folie mutuelle, celle du désir à combler le vide. Celle qui fait se raconter des histoires, s’ouvrir le champ des possibles auxquels le néant de sa propre existence donne envie de croire, alors qu’il ne s’agit que de tout rater. Et de rater avec une certaine perfection.

« Tu commandes un café, lui aussi. Il pose ses coudes sur la table, ses mains mourantes se rejoignent pour s’attacher l’une à l’autre. Tu voudrais les prendre mais tu sais d’expérience qu’en saisissant les oiseaux souvent on les tue. Mais fous-moi le camp, s’époumone maman de sous la dalle, depuis les femmes éteintes mais renseignées. […] Il te regarde sans rien dire, comme étonné. S’ouvre alors un silence où tu pourrais rester tout l’après-midi à boire du café, poser des questions indécentes, apprendre la peinture sur bois. »

Laure et Clément sont mépris. De classe. D’impossible romance. Du cœur séché des êtres sans profondeur. Mépris de la vie et de ce qui s’y vit.

Les proches de Laure sont mis à distance par la frénésie qu’elle déploie à tenter d’aimer Clément. Les remarques de sa défunte mère en tentatives de garde-fous à sa vie adultérine. À se convaincre que c’est amour ce jeu de dupes. Qu’elle peut l’aimer, qu’il le veuille ou non.

Clément incapable d’émotion comme de laisser aller. Ne travaillant jamais ses dossiers mais jouant à merveille le type affuté. Abonné aux prostituées. En confidences à son chien et rares visites à sa mère détestée.

« Tu devrais être déçue, au moins ricaner, au moins réfléchir. Tu devrais savoir qu’un homme qui se présente par le montant de son salaire annuel c’est un con, par définition un vendu. Émue, humide, tu penses le pauvre, qu’un type qui se présente par son prix sur le marché du travail, c’est un esclave. »

Dans une langue vive, un sens aigu de la formule, Maria Pourchet met en scène ses personnages en prise directe avec leur inexorable chute. Dès les premières pages, le roman emporte par sa construction et ses adresses. Les chapitres alternent entre les confidences de Laure et celles de Clément. Chacun perdu dans son univers, ses limites à tenter de repousser, la fausse assurance avec laquelle ils s’aimantent.

Si les deux premiers tiers de l’ouvrage sont irréprochables, frénétiques, dans une narration tenue, qui fait tourner les pages sans retenue, la suite ralentit et s’alourdit. Laure et Clément en amants de surface, empêtrés dans leur arrogance jusqu’à la nausée finissent par devenir caricaturaux. Les événements qui se succèdent dans une sorte d’exagération sont parfois convenus et certaines scènes ne fonctionnent pas. De même la fin ne convainc pas, avec une proposition artificielle voire irréaliste.

Feu de Maria Pourchet est publié aux éditions Fayard. Le roman a été sélectionné pour de nombreux prix.

« Olivier tente de fixer l’écran sans ciller mais vu sa tronche, collapse intérieurement. Ce mec est lui-même un écran, on voit tout passer dessus. »

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