Dimanche matin

Dimanche matin

Elle repère dans le quartier la supérette de proximité. Non qu’elle fréquente avec plaisir ce genre d’endroit débordant de sollicitations visuelles polluantes, alignant sans compter des myriades de produits délétères. À ces champs da bataille industrielle parés de couleurs tape-à-l’œil, elle préfère la sobriété des épiceries de commerce local voire celles où les produits sont issus de la filière agriculture et industrie biologiques. Pour le calme que lui procure l’action de faire ses courses en ces lieux. Pour les qualités nutritionnelles et gustatives des produits qu’elle y choisit avec soin, évitant huile de palme et autres artifices contrariant son organisme.

Dimanche matin, le choix est restreint.

Elle se poste devant la porte automatique qui coulisse dès son entrée dans le champ de la cellule. Elle passe le pas, gratifie l’équipe affairée autour des rayons d’un bonjour collectif. Au-dessus de l’étal fruits et légumes massivement emballés de plastique, gâchis de matière première, pollution planétaire, un nez se lève suivi d’une voix qui rend le bonjour. Elle repère le rayon produit frais et se doute que ce qu’elle cherche se trouvera à proximité.

Ahurissement devant l’abondance de couleurs et d’effets typographiques au rayon réfrigéré. Les vendeurs de yaourts ne savent plus quoi inventer pour écouler les surplus de la production laitière, pense-t-elle. Pauvres vaches condamnées à l’enfer du productivisme sur lit de béton et fourrage de piètre qualité, force antibiotiques et absence de pâturage.

Près des frigos, le rayon lait longue conservation. Elle furète mais ne voit rien qui l’intéresse ici car elle refuse d’acheter le fruit du labeur de vaches brutalisées, quoi qu’il en soit, trop gras pour elle, humaine refusant l’engraissage bovin.

Elle se retourne, tente de repérer à travers les différents étals ce qu’elle est venue chercher. Aucune piste apparente. Fait un tour lent de la boutique et de ses rayonnages… trop de couleurs, trop de formats, trop de cumul d’informations diverses, elle ne voit ni ne discerne rien.

Un manutentionnaire s’affaire dans la travée produits d’entretien et d’hygiène où l’on trouve les sacs poubelle à proximité des serviettes hygiéniques : un message ? se demande-t-elle ironique. Elle pose sa question : bonjour, avez-vous quelque part du lait végétal ? Il la regarde, yeux vides. Se reprend aussitôt, quelqu’un lui a adressé la parole, une question même, il se doit de répondre. Elle le voit réfléchir, entend ses rouages mémoriels se mettre en marche, les engrenages s’emboiter sur le passage des événements dans sa tête, ça s’agite dans sa boîte crânienne, tempête de cerveau.

Regard maintenant profond, l’employé doute. Du lait végétal ? non je ne crois pas… Il hésite. La regarde et, déjà, esquisse un mouvement vers un rayonnage à hauteur des pieds…

Il indique un produit. Non, on a seulement du lait de soja.

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