Au-delà de la pénétration

Au-delà de la pénétration

Martin Page est romancier, en littérature générale et de jeunesse. Il écrit parfois sous le pseudonyme de Pit Agarmen et autoédite certains de ses textes chez Monstrograph.

C’est dans cette maison d’édition « maison » qu’est d’abord paru Au-delà de la pénétration avant d’être réédité par le Nouvel Attila au début de cette année.

L’ouvrage est un manifeste complété de témoignages sélectionnés via les réseaux sociaux de l’auteur. Le postulat est limpide : « La société bruisse de conversations sur le sexe, et pourtant on n’en dit rien de nouveau. Évoquer la sexualité hétérosexuelle en dehors des clichés est rare et compliqué . »

L’auteur interroge ses conditionneurs éducatifs, sociaux, sa relation hétérosexuelle et dominante d’homme pénétrant, telle que la société l’y a préparé. Pour autant, doit-il nécessairement y avoir pénétration quand un homme et une femme, ou plusieurs d’entre eux, pratiquent leur sexualité ? Pas si sûr…

La pénétration n’est pas une obligation

En 1968, « la pénétration n’est pas une obligation » avait fleuri dans les rues car d’aucun.es avaient déjà posé que la sexualité « à la papa » pouvait être réinventée avec de nouveaux codes, de nouveaux jeux, loin du missionnaire et de la prétendue exaltante finalité de la pénétration. Comme de nombreuses revendications de Mai-68, notamment liées au consumérisme pseudo vecteur d’épanouissement — je schématise, c’est forcément réducteur ! —, le slogan est tombé dans les limbes de l’oubli.

« La sexualité a cet étrange pouvoir de donner une apparence provocante et branchée au conformisme et à l’obéissance aux normes sociales les plus éculées et coercitives. »

Ben oui… Sauf que les corps sont emplis de capteurs sensoriels, au-delà des seuls champs sexuels et qu’il serait intéressant d’aller conter fleurette aux zones érogènes trop longtemps ignorées. Bien des femmes et des hommes ne trouvent pas dans l’accomplissement de la pénétration vaginale de quoi atteindre le plaisir ou le partager. Contrairement au postulat freudien — je l’ai trouvé suspect dès la classe de terminale —, l’orgasme vaginal n’est pas l’accomplissement absolu, mature, de la sexualité féminine. Il est juste rare, voire impossible sans stimulation clitoridienne.

« Nos histoires de verge et de vagin sont intimement liées à l’histoire des structures politiques dans lesquelles nous vivons et on ne changera pas l’une sans l’autre. Il est temps que la sexualité soit le lieu de l’imagination et de la pensée. »

Alors, pourquoi ne pas jouer avec autre chose que l’emboîtement d’un sexe dans un autre ? Pourquoi cela devrait-il être l’absolu des jeux sexuels ? Pourquoi passer sa vie sexuelle à tenter de faire semblant de vouloir se reproduire quand tant d’autres possibilités existent ?

Se parler, inventer, essayer…

Force est de constater que l’imagination manque quand il s’agit de sexualité, sans doute parce que bon nombre des personnes qui couchent ensemble oublient de se dire leurs envies, leurs dégoûts, se forcent ou s’efforcent dans une intimité qui devrait être le lieu de la liberté, de la tolérance, de l’inventivité, tant que chacun.e est d’accord pour partager ce qui est proposé. Et que chacun.e accepte les limites de l’autre, ses impossibles, sans s’en offusquer ou en faire une affaire personnelle.

Les conditionneurs, qu’ils viennent de la pornographie, des clichés sociétaux ou éducatifs, persistent pour bon nombre d’hommes : « Leur angoisse étant de ne pas être assez homme, de ne pas correspondre au cliché viril (…) à tout prix montrer qu’on n’est pas une femme, qu’on n’est pas efféminé, qu’on pénètre et qu’on n’est pas pénétré. »

Finalement, si l’ego reste en dehors de la sexualité, si on arrête de se préoccuper de choses de peu d’intérêt telles la longueur du sexe, sa « durabilité », l’épilation intégrale ou pas… Si partager l’amour se fait en terrain neutre, sans relations de pouvoir ou de domination — sauf si cela est consenti. Si s’aimer est joyeux, ludique, tendre, qu’on y partage des mots et la recherche de plaisirs dans des terrains parfois inexplorés… Si tout cela advenait, il y a fort à parier que la vie en société gagnerait en qualité relationnelles. Attention, je ne dis pas — ni l’auteur — que tout le monde devrait baiser avec tout le monde, mais bien qu’une sexualité autrement que pénétrante peut apporter beaucoup à celles et ceux qui s’y osent.

Allez, chiche ?

 

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