Yvonne 3/8

Yvonne 3/8

Le jour où elle avait appris que les statuts du comité d’entreprise d’EDF-GDF avait été emmurés dans le mur du Centenaire adossé au Lieu unique, qui, à Nantes,  avait été construit dans une partie restant des anciens locaux de l’usine LU, Yvone avait compris qu’il en serait bientôt terminé des facilités et promotions de vacances offertes au personnel de la première agence électrique et gazière de France. On « n’emmurait » pas des statuts pour rien. Quand bien même il s’agissait de les transmettre aux générations futures. Non, elle s’en doutait bien : en lieu et place d’un legs, c’est d’un enterrement qu’il s’agissait ce jour-là.

Curieuse, Yvonne s’était rendue à Nantes pour voir de ses propres yeux les vestiges de l’usine aux biscuits inscrits dans la mémoire collective, comme sa supposée transformation en un lieu culturel novateur. Elle avait pris un thé dans le bar du rez-de-chaussée, suçotant un petit LU en se rappelant du temps où elle goûtait avec ses enfants. Puis elle avait contourné le lieu et versé une larme, devant le mur du Centenaire, imaginant les statuts du comité d’entreprise derrière une vitre verte, sa couleur préférée.

Cette année, Yvonne a réservé suffisamment tôt ses vacances pour être sûre d’avoir une place à la maison familiale des Sables-d’Olonne. La Côte d’Azur, qu’elle a auparavant fréquentée avec assiduité du temps de Charles, ne lui dit plus rien qui vaille. Elle y trouve la lumière trop dure, la population prétentieuse et sinistre, les prix pratiqués parfaitement outranciers pour une qualité rarement à la hauteur de l’addition.

Aussi, depuis six ans, séjourne-t-elle au bord de l’Atlantique et change, chaque été, de lieu de résidence. C’est sa part d’aventure à elle, une découverte somme toute cadrée et organisée qui ne lui demande pas plus d’effort qu’elle ne pourrait en fournir.

Après la mort de Charles et une fois le deuil passé, Yvonne s’était mise à prospecter sur les traces de son plaisir sexuel. Cette quête l’avait conduite à découvrir des contrées savamment ignorées du temps de feu son mari, relativement mécaniquement porté sur la chose amoureuse. (…)

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