Paula Cassagne, appt 315 : 3/10

Paula Cassagne, appt 315 : 3/10

Épisode 3/10

La liste était longue de ses aventures ahurissantes de la nuit et il était rare, après ce type d’épisode, qu’elle retrouve le sommeil avant plusieurs heures. Aux cauchemars succédaient l’insomnie, la peur de se laisser aller à nouveau à l’abandon et l’anticipation des torpeurs qu’il pouvait ramener. Paula se rendormait au petit matin, quelques minutes lui semblait-il avant que le réveil ne se mette en route : chez elle, l’appel au travail, du mardi au samedi, le sursaut routinier qui conditionnait toute la journée à suivre, n’était pas simple.

À la recherche d’un son agréable qui lui indiquerait qu’il était l’heure — celle d’avoir le courage de se lever — Paula avait passé des heures à essayer de multiples radio réveils, tous  affublés de sonneries épouvantables. Et puis elle avait découvert chez une copine une lampe réveille-matin équipée de sons chants d’oiseaux, ressac, forêt, sonnerie. Elle avait immédiatement acquis un appareil similaire car, pensait-elle, quitte à se lever de façon artificielle à une heure indue, autant que ce conditionnement soit immédiatement agréable.

Après ses nuits de quête historique, Paula se levait éreintée et mal dans sa peau. Elle savait qu’elle allait se traîner une bonne partie de la journée, sans patience et usée par l’incompréhension de ces images nocturnes. Dans aucun des livres qu’elle avait pu acheter ou consulter sur l’interprétation des rêves n’était fait mention de la course poursuite avec les mammouths à sabots !

Au magasin dans lequel elle était salariée, certaines de ses collègues savaient quand elle était en forme ou pas. Quand elle avait bien dormi ou, au contraire, quand les galops nocturnes avaient anéanti son allant naturel. Dans la journée qui s’ensuivait, quand il lui fallait renseigner le client en restant aimable et disponible, c’était parfois douloureux, c’était parfois houleux.

Parmi tous ces cauchemars auxquels elle ne pouvait s’habituer, Paula préférait de loin ceux qui ne perturbaient ses nuits qu’une fois. Ceux qu’elle fomentait brièvement et qu’elle ne retrouvait jamais. Au moins, ça la changeait des mammouths et de leur course prévisible : droit devant, sur elle ! (…)

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