Monique R.

Monique R.

Monique R. est une nouvelle achevée en février 2006. Je la déroule dans les pages du blog en feuilleton de cinq épisodes, du 31 octobre au 4 novembre 2013.

Ma mémoire est un scaphandrier
Qui suffoque tout au fond de la mer
Il pleure sur le trésor qui ne remontera jamais
Ma jeunesse est morte hier
Cali

1/5

Je suis une femme. C’est ce qui fait toute la particularité de cette histoire. J’ai aujourd’hui plus de soixante ans. La précision des jours et des dates ici ne sert à rien. Je ne suis pas à un jour près. Je ne suis plus à un jour près.

Au cours de ces plus de soixante ans que représente mon existence j’ai passé plus de quarante ans à mentir. À mentir comme on cache. À dissimuler. À distordre la réalité. À me torturer. À calculer. À souffrir. À en vouloir. À ressasser. À faire souffrir. Mes proches. Et ceux qui l’étaient moins.

Longtemps j’ai trouvé tout ce mal normal. J’y avais été bien préparée.

J’avais été fautive. Je devais réparer. C’était aussi banal que cela. À toute faute sa peine. À toute erreur sa correction. À tout péché son absolution.

Ma faute me poursuivrait pourtant. Elle enfermerait les miens. Je l’avais bien cherchée. Elle était impardonnable.

Je ne sais pas pourquoi je ne suis pas tombée malade. J’aurais aimé je crois être prise de catatonie. Tomber dans l’oubli. L’oubli physique. La décrépitude subite. Laissant la souffrance en un point bien précis. Ficelée par l’inertie. Naturellement déconvenue.

J’aurais voulu vivre alitée pour ne pas avoir à porter la lourdeur de mon corps. Pour ne plus sentir le mal imposé par ma rigidité. Pour ne plus traîner après moi cette charge impossible à ranger. Ce fardeau qu’il était trop tôt pour livrer. Tandis qu’il n’est jamais trop tard.

J’aurais pu devenir muette. Mon mensonge coincé dans le fond de ma gorge. Comme un morceau trop gros pour être avalé. Impossible à digérer. Obligé de rester coincé. Coincé de travers. Sans parole. Et mes yeux pour seuls interprètes.

Mes mains pour écrire ce que je ressentais sans pouvoir le formuler. Déplaçant en dehors de moi ce que je tentais douloureusement de contenir. L’inscrivant comme autant d’incohérences. Comme un fil d’écheveau à tirer. Quitte à le nouer davantage. Taillant au ciseau dans les liens trop serrés. Défaisant avec rage ce que j’avais trop bien emmêlé. Malgré moi. (…)

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