Hammam

Hammam

Dimanche matin. Elle renoue avec le rituel abandonné près de vingt ans plus tôt. Dans les rues du sixième puis du cinquième arrondissement, elle cherche, contacte sa mémoire visuelle, branche son intuition des lieux. Elle marche.

Sous le ciel gris, l’automne s’installe dans les rues. L’air est doux. En cette matinée, Paris a ralenti le rythme frénétique qu’elle affichait la veille. peu de circulation. Des passants comme suspendus, versés dans un autre espace temps, celui d’une quiétude provisoire.

Pendant que certains achèvent une pinte de bière qui signe leur nuit sans fin, d’autres font la queue devant les boulangeries de quartier. Des femmes et des hommes sourient. Visages sans fard, atones parfois. Paris relâche. Fait fi du costume sociétal aujourd’hui.

Elle s’arrête en bas de la rue Monge. Demande un plan de quartier à son téléphone mobile. Y voit plus clair. Elle coupe la localisation, range l’appareil dans son sac à dos. Elle se souvient maintenant.

Elle avance dans ses pas, parcourt les mêmes rues. Rallume ses panneaux indicateurs au passage des carrefours. Paris est reconnaissable. Le quartier a peu changé, seules les vitrines sont différentes de ce que sa mémoire a engrangé. Elle progresse en flânant, embrasse le décor sans fin qu’elle a si souvent parcouru, avant.

Elle longe l’université, le jardin du muséum. Sur sa droite, les premières arches de la mosquée. À l’angle de la rue, elle entre dans le jardinet, aussitôt charmée par le chant des oiseaux. Quelques clients boivent un thé à la menthe accompagné de pâtisseries miellées. L’atmosphère est calme, sereine, apaisante. Elle pousse la porte dérobée, avance dans l’antre tiédi. Senteurs parfumées de l’huile de massage.

Elle demande l’accès au hammam, un massage exfoliant, un massage à l’huile ensuite, un thé à la menthe, une serviette de bain. Vérifie qu’il reste une pièce pour la consigne du vestiaire. Elle ôte ses chaussures, passe des claquettes. Elle se dévêt, range avec méthode ses vêtements dans le casier. Elle achève la bouteille d’eau qui l’accompagnait dans ses pérégrinations.

Après une première douche froide, elle se pose alternativement dans chacune des salles : tiède, chaude, brûlante. Allongée sur le dos, bras écarts, elle sent son corps se détendre fibre après fibre. Son esprit se calme, elle relâche la pression. Elle sue, sent les gouttes ruisseler sur sa peau, emportant avec elles tensions et toxines, tracas et trop-plein. Elle fond, se fond, profite de chaque instant qui la traverse. Elle se sent à son aise. Le temps n’existe plus.

Elle écoute chacun de ses souffles, cherche le sens de ses mouvements. Sent le trajet de cette chaleur humide. Lâche, relâche. S’écrase contre la céramique. Goûte le plaisir, se délecte de l’instant, déconnecte. Ailleurs n’existe plus.

Dans le lieu étrangement enveloppant, elle est toute à elle. Elle sait qu’elle sortira de là apaisée, sa peau adoucie, son corps souple et le rouge aux joues. Car c’est ainsi que la chaleur se joue d’elle et trace sur ses pommettes le feu intérieur. Elle pense à l’odeur de l’huile fleurie qui l’a cueillie à son entrée dans le hammam. Le moment viendra de rejoindre la tiédeur, le gant de crin, la douche froide, puis l’oubli sous les mains de la masseuse qui pendra soin de son corps.

Parfait sentiment de plénitude et de repos intérieur.

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